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EFFETS HYPOLIPEMANTS ET MÉCANISMES D’ACTION DES POLYPHÉNOLS DE THÉ

« EFFETS HYPOLIPEMANTS ET MÉCANISMES D’ACTION DES POLYPHÉNOLS DE THÉ (CAMELIA SINENSIS) »

Dr. Oliver PONS, PhD

Résumé

Plusieurs effets de Camellia sinensis sur l’organisme ont été démontrées scientifiquement. Cette espèce est constituée principalement de polyphénols. Ainsi, à l’issue d’une consommation régulière de thé (Camellia sinensis), nombreuses recherches expérimentales montrent son influence sur la lipémie selon différents mécanismes, à titre d’exemple, l’interaction des polyphénols contenus dans le thé avec les entérocytes. La concentration maximale de ces polyphénols dans le plasma excède rarement 1 μM après consommation de 10 à 100 mg d’un composé seul (Scalbert and Williamson, 2000). Cependant, dans la plupart des études, seules les molécules non conjuguées sont dosées, ce qui laisse supposer une sous-estimation de leur biodisponibilité dans le plasma. De très nombreux facteurs peuvent influencer la biodisponibilité des polyphénols de thé telles que les doses et les méthodes d’administration qui sont très hétérogènes d’une étude à l’autre ce qui peut expliquer la contradiction des résultats observés. En outre, peu d’études cliniques et animales tiennent compte du polymorphisme des gènes impliqués dans le métabolisme phénolique, leur absorption et leur distribution dans l’organisme. Ces facteurs non pris en compte dans les études peuvent entraîner des divergences de résultats ne permettant pas de définir leurs mécanismes d’action.

Mots clés : Cholestérol total ; Low Density Lipoprotein (LDL); High Density Lipoprotein (HDL); Triglycérides; Thé; Polyphénols; Catéchines; Théaflavines.

1.Introduction

Le thé est la deuxième boisson la plus consommée au monde après l’eau. Il provient d’une plante originaire de Chine, Camellia sinensis, à partir de laquelle sont cueillies les feuilles de thé. Il existe différents types de thés que l’on regroupe en cinq principales catégories : les thés blancs et verts (thés non fermentés) et les thés oolong, noirs et pu-erh (thés fermentés). Ces thés se distinguent par leur processus de fabrication conduisant à des compositions chimiques différentes (Roberts, 1958a) (Figure 1). Les vertus du thé sont nombreuses et ont largement été étudiées au cours des trente dernières années (McKay and Blumberg, 2002) et notamment l’amélioration de la lipémie par la diminution du taux de lipides plasmatiques (cholestérol total, LDL, HDL, triglycérides) (Stangl et al., 2006). La majorité des études scientifiques portant sur le thé s’est intéressée aux thés verts et aux thés noirs (plus de 90% des publications scientifiques, ainsi qu’à leurs composés phénoliques majoritaires, les catéchines, les théaflavines et les théarubigines, molécules auxquelles sont principalement attribués ces effets hypolipémiants (Yang and Koo, 1997).

L’hyperlipémie constitue un facteur de risque majeur dans l’apparition de l’athérosclérose (dépôt de lipides sur la paroi des artères) (Libby et al., 2011 ; Rader and Daugherty, 2008). Cette pathologie représente un des principaux facteurs de risque dans la survenue de maladies cardiovasculaires (Lusis, 2000 ; Suowen et al., 2018). En effet, l’élévation de la concentration plasmatique en triglycérides, en cholestérol total et en LDL-cholestérol et une diminution en HDL-cholestérol sont proportionnelles à une élévation de la morbi-mortalité d’origine cardio-vasculaire. A l’inverse, la diminution du taux de LDL améliore le pronostic vital (Gotto and Moon, 2012).

La consommation de thé semble donc constituer une bonne approche nutritionnelle pour lutter contre le développement de ces pathologies (Kim et al., 2011a) et suscite un intérêt grandissant auprès des autorités de santé publique. Cependant, à l’heure actuelle, aucune allégation santé hypolipémiante pour le thé n’est autorisée en Europe (2011a) et aux Etats-Unis (2006). Pourtant, les expérimentations animales menées sur le thé montrent des résultats hypolipémiants favorables pour la majorité des études et mettent en évidence certains mécanismes d’action pouvant expliquer ces effets. Les molécules de thé et notamment les polyphénols agiraient en premier lieu au niveau de la lumière intestinale en diminuant l’absorption des lipides alimentaires, favorisant la baisse de la lipémie. Une fois dans l’organisme, les polyphénols agiraient au niveau du foie et du tissu adipeux en diminuant, entre autres, la lipogenèse et favoriserait en parallèle l’utilisation énergique des lipides par les muscles squelettiques. Cependant, ces mécanismes restent encore mal définis et aucune revue scientifique n’a fait état des voies d’action hypolipémiantes des polyphénols au niveau de l’organisme entier. De plus, et malgré les résultats favorables des études animales et in vitro, les études cliniques restent très contradictoires. En effet, la grande hétérogénéité des essais d’intervention de part les paramètres choisis (sexe, pathologie ou non, âge, doses administrées, mode de vie) rend difficile leur comparaison et leur analyse. Même si les méta-analyses faites sur l’ensemble des études cliniques viennent soutenir l’effet hypolipémiant du thé, de nombreuses incertitudes subsistent. En effet, les informations sur la biodisponibilité et le métabolisme des molécules bioactives contenues dans le thé sont peu nombreuses et mal décrites. De plus, très peu d’études mettent en avant le polymorphisme génétique des enzymes intervenant dans le métabolisme des polyphénols. Les doses quotidiennes efficaces et les mécanismes d’action impliqués restent encore à clarifier. L’ensemble de ces informations permettraient de mieux appréhender la disparité des résultats observée dans les études et d’apporter une meilleure réponse nutritionnelle.

Cette revue a donc pour but de dresser l’état actuel des connaissances sur les différentes molécules bioactives des thés suivant leurs degrés de fermentation, leur biodisponibilité et leurs mécanismes hypolipémiants. Au regard des études expérimentales et cliniques actuelles, cette revue s’intéresse plus particulièrement aux thés verts et noirs et leurs molécules bioactives principales à savoir les catéchines et les théaflavines respectivement.

Conclusions et perspectives

En se basant sur les données actuelles des études chez l’Homme, la consommation de thé semble avoir un effet hypolipémiant via une diminution du cholestérol total et du LDL-cholestérol plasmatiques. En revanche, elles ne permettent pas de conclure à d’éventuels effets sur la triglycéridémie ni sur le taux de HDL-cholestérol contrairement aux études conduites chez l’animal. Les études chez l’Homme, l’animal et les modèles cellulaires ont également permis d’identifier de nombreux mécanismes d’action des polyphénols de thé à différents niveaux de l’organisme (intestin, foie, tissu adipeux, muscle squelettique) pouvant expliquer leurs effets hypolipémiants.

Cependant, à l’heure actuelle, aucune allégation de santé n’a encore été délivrée par les autorités de sécurité alimentaire européennes et américaines concernant la santé cardiovasculaire et les effets hypolipémiants de la consommation de thé en infusion ou sous forme de complément alimentaire.

Les méta-analyses suggèrent que de plus longues études cliniques devraient être menées afin de valider les effets hypolipémiants de la consommation de thé. Les populations ciblées doivent également être mieux appréhendées afin de s’affranchir des variations interindividuelles. Pour cela, de plus amples études permettant de comprendre les facteurs influençant la biodisponibilité des polyphénols de thé doivent être menées.

 

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